Comment placer sur une orbite / sans cieux / les prunelles / sans yeux / de nos orbites / sans creux ? /… / les lèvres / sans bouche / sous des narines / sans trou ? /… / l’oreille à l’orée de l’œil / la rétine à même le tympan / le dedans entre les dents / et le dehors dedans ? _ Ghérasim Luca

ma bouche grimpante a mordu, s’est accrochée, une fois encore, / quand elle t’a cherchée, trace de fumée / toi, là-haut, / silhouette de femme, / toi en voyage vers mes / pensées de feu dans le gravier noir _ Paul Celan

de leurs bouches hébétées de pauvreté / coulent de folles plaintes / sur mon visage de pierre et de larmes. _ Thomas Bernhard

mais à quoi bon les larges flaques de complaintes marécageuses / le soleil ne connaît que sa grasse incandescence / riant de toutes ses bouches d’or de flammes / il se lève _ Tristan Tzara

Bouche qui décidiez si ceci était hymen ou deuil, poison ou breuvage, beauté ou maladie, que sont devenues l’amertume et son aurore la douceur ? / Tête hideuse qui s’exaspère et se corrompt ! _ René Char

Si la lune souriait, elle te ressemblerait. / Vous laissez la même drôle d’impression / De beauté et de quelque chose de mortel. / L’usage de la lumière est votre grande affaire. / Seulement sa bouche à elle se désole pour le monde, pas la tienne. _ Sylvia Plath

ne ferme pas encore les yeux / dans les étuis de haie sous les cagoules des pâturages chaque jalousie se tient secrète / et pour la bouche assiégée des injures de clairons et de pétards / fait abandon de la lueur des mains de résine _ Tristan Tzara

Avec l’œil et l’air de la bouche / Avec le bras caché et la main qui te touche / Contre le vent qui emporte ton bonheur / Le froid artificiel que donne la terreur / La foi marchant sur les épines de l’erreur _ Pierre Reverdy

Je parlais d’un fantôme et d’un oiseau qui tombe, / Mon rêve perd les mots que ma bouche employait, / La prairie où je parle est creusée par les tombes / Et l’écho retentit du bruit clair des maillets. _ Robert Desnos

J’ai parlé tôt ; j’ai dit : je me souviens ; / ma mère était furieuse, ne mets pas / toutes les saletés que tu ramasses dans ta bouche. _ Kiki Dimoula

bon bon il est un pays / où l’oubli où pèse l’oubli / doucement sur les mondes innommés / là la tête on la tait la tête est muette / et on sait non on ne sait rien / le chant des bouches mortes meurt / sur la grève il a fait le voyage / il n’y a rien à pleurer _ Samuel Beckett

Ce qui est noir et plus noir encore, / c’est la bouche tournante, / c’est la chair tuante et creuse, / c’est la peur mouvante. _ René Daumal

Que le poème aille se glissant / Dans la bouche ouverte des mourants ! / Qu’il y ait le cri : “ Que la Terre est belle ! “ / Pas besoin de fleurs / D’ailleurs ! _ Armand Robin

Fleuves charriant de grandes membranes mortes, / pellicules blanches de la souffrance, / coulée des larmes et des sueurs, / dans quelle bouche allez-vous vous perdre, / pour renaître fleurs de feu ? _ René Daumal

que ferais-je je ferais comme hier comme aujourd’hui / regardant par mon hublot si je ne suis pas seul / à errer et à virer loin de toute vie / dans un espace pantin / sans voix parmi les voix / enfermées avec moi _ Samuel Beckett

Beauté c’est la splendeur d’une bouche qui se plie / blessée par les remous d’un langage trop amer / comme sont toutes les langues qui veulent dire quelque chose _ Michel Leiris

sur les lèvres