Depuis ma migration / à travers tant de corps / les siècles s’entassent / sur mes os /…/ Mon ombre se cogne / à chaque paroi /…/ Le monde est virtuel /…/ Le visible / reste invisible /…/ Le courant de vie / qui me traverse / est sans retour /…/ Lorsque je plonge / en moi-même / je vois la terre entière / qui tourne dans mon sang _ Anise Koltz

Ton chien songe qu’une louve / S’apprivoise à son côté / Dans la douce obscurité. / (Vois, la candeur s’y retrouve.) /…/ La vérité fait le vœu / De donner corps à son rêve. / Demain, le jour se relève / Avec des ailes de feu. _ Henri Pichette

Lorsque la terre pleine de paupières mouillées / se fera cendre et âpre air tamisé / et que les mottes de terre sèches et les eaux, / les puits, les métaux / rendront enfin leurs morts usés, / je veux une oreille, un œil, / un cœur blessé qui retentisse, / un trou de poignard depuis longtemps enfoncé / dans un corps depuis longtemps exterminé et seul _ Pablo Neruda

As-tu su vaincre ta panique ? Hasard figé, immobile gris du froid bloquant à jamais ton corps hagard. _ Georges Perec

Tu peux m’appeler cygne ; ombre / dévoilée. Tu peux m’appeler / drap tissé d’eaux lancinantes, / corne nuptiale. / Je ne suis rien sinon sur ton corps / un éclat / de soleil, de sang ou de sel. _ Eugénio de Andrade

Je concentre mes yeux sur le lieu / le plus précaire de ton corps : en août / on meurt avec les oiseaux : / de solitude. _ Eugénio de Andrade

Je pars / sans localiser d’organes, / en délocalisant tout point de départ, / en neutralisant tout suppôt au départ / de sorte que l’individu ne vaille que par ce qu’il a fait en corps né, / et non en principe inné. _ Antonin Artaud

Dire un corps. Où nul. Nul esprit. Ça au moins. Un lieu. Où nul. Pour le corps. Où être. Où bouger. D’où sortir. Où retourner. Non. Nulle sortie. Nul retour. Rien que là. Rester là. Là encore. Sans bouger. _ Samuel Beckett

Déluge de soleils / nous ne voyons rien mais voyons tout / Corps sans poids sol sans épaisseur / montons-nous ou descendons-nous ? /…/ Ton corps est un diamant / où es-tu ? / Tu t’es perdu dans ton corps _ Octavio Paz

Miroir lunaire l’abrupt. Vers le bas. / (Lueur maculée par le souffle. Stries de sang. / Nuée de l’âme, qui a pris corps encore une fois. / Ombre des dix doigts — cramponnés.) _ Paul Celan

Pour se délivrer d’incertitude, ils défilent, pensant qu’ils déferlent, cœurs d’enfants dans un corps de foule. /…/ Et toi? _ Henri Michaux

La ligne fulmine contre la matière. C’est en vain que sa foudre frappe le monde. Tout corps solide lui est une alarme, voire une offense. Le feu de la masse lui fait défaut. Sa longueur fuit et s’effondre entre deux absences. /…/ Tôt ou tard, son tracé se réfugiera dans l’écriture, et là aussi, elle parlera d’autre chose. _ François Jacqmin

La joie, un moment, a eu lieu / Il y a eu un instant de trêve / Où j’étais dans le corps de Dieu / Mais depuis, les années sont brèves. _ Michel Houellebecq

solitude seule richesse qui vous jette d’une paroi à l’autre / dans la cabane d’os et de peau qui vous fut donnée comme corps _ Tristan Tzara

Disparues les promesses / D’un corps adolescent, / Nous entrons en vieillesse / Où rien ne nous attend /…/ Que la mémoire vaine / De nos jours disparus, / Un soubresaut de haine / Et le désespoir nu. _ Michel Houellebecq

Les hommes / torturés dans leurs corps / et pourris jusque dans leurs mots / dont tant sont aujourd’hui déviés / de leur pôle naturel _ Michel Leiris

C’est à un combat sans corps qu’il faut te préparer, tel que tu puisses faire front en tout cas, combat abstrait qui, au contraire des autres, s’apprend par rêverie. _ Henri Michaux

Je rêve aux images élémentaires, aux rêves que d’autres, en d’autres situations, d’autres temps et lieux, en des corps différents surtout… ont pu avoir. _ Henri Michaux

Les êtres humains sont faits de parties séparables, / Leur corps coalescent n’est pas fait pour durer / Seuls dans leurs alvéoles soigneusement murés / Ils attendent l’envol, l’appel de l’impalpable. _ Michel Houellebecq

Aujourd’hui aura lieu. La surface invisible / Délimitant dans l’air nos êtres de souffrance / Se forme et se durcit à une vitesse terrible ; / Le corps , le corps pourtant, est une appartenance. _ Michel Houellebecq

Je reviens aujourd’hui du plus profond des siècles. / J’apporte dans mon crâne — dans sa cruche d’os —/ toute l’histoire humaine, / les fleuves de la terre dissous dans mon sang / et sur mon corps toutes les traces de l’épée. _ Jorge Carrera Andrade

ce corps que j’ai encore

Quoi, ce timide oiseau, replié par le songe / Déserterait son nid, / Son nid d’où notre corps à deux têtes s’allonge / Par quatre pieds fini. _ Jean Cocteau

Parfois Dieu déforme l’homme dans son sommeil : / l’œil est immense sur le front comme une coupole transparente, / son corps grandit comme un arbre prodigieux, des ailes battent sur son dos / mais le matin toute la terre semble un lit d’herbes dérangées. _ Jean Cayrol

Corps et Esprit fonctionnent / Selon des horaires divers : / Ce n’est qu’après notre visite matinale / En ces lieux que nous pouvons / Laisser les inquiétudes mortes / De la veille derrière nous, / Affronter avec tout notre courage / Ce qui, à présent, va venir. _ W.H. Auden

D’immortelles misères pour violer l’ennui / Installent le repos sur un roc de fatigues / Le corps creux s’est tourné l’horizon s’est noué _ Paul Eluard

Son corps était en ordre,/ Le corps des autres est venu disperser/ Cette ordonnance qu’il tenait/De la première empreinte de son sang sur terre. _ Paul Eluard

Les apparitions sont flagrantes./ Leurs corps pèsent moins que le jour./ Et durent ce que dure cette phrase. _ Octavio Paz

Il se peut qu’à l’air pur/ Mon corps sec tombe en poudre/ Posé contre le mur/ J’ai l’éclat de la foudre. _ Jean Genet

En hommage au photographe Eadweard Muybridge.

_ Pour découvrir l’existence de filons extasiés/ dans les profondeurs mouvantes de ton corps/ mes doigts sont comme des baguettes de sourcier _ Michel Leiris