Trop de tendresse au front des feuilles / comme une épée consumée, / trop de faux pour chaque image / de notre vie déjà pillée. /…/ L’Arbre interdit nourrit notre amour / de ses racines d’agonie _ Jean Cayrol

Je dirai la vérité / la vérité qui tremble au feu des mares / dans la paille inhabitée / dans la branche il se fait tard /… / Je dirai la vérité / la vérité du jour et de la nuit / la vérité des feuilles dans le puits / la vérité de l’homme / qui tient le plus au cœur de l’oiseau /… / printemps de la vérité. _ Jean Cayrol

En vieillissant, le Temps est à l’étroit, / il perd sa laine comme un mouton maudit, / sa marche est de travers comme quelqu’un qui boit / … Et c’est le lendemain qu’il rebondit. _ Jean Cayrol

comme une prison où l’abeille / devient folle de sa paix / je rêve que je m’éveille. _ Jean Cayrol

Nous sommes dans la région des grandes flaques mortes, / des livides escales, de torrents asséchés,/ des oiseaux impatients dont les ailes sont cassées : / c’est tout le reste d’un printemps qui n’en peut plus, / le travail des eaux inachevées, les lunes attirantes / un peu rousses d’avoir apparu sur nos joues. _ Jean Cayrol

personne n’avait songé à ton silence / il est venu trop tard / on ne pouvait plus crier / sur tes lèvres / ta gorge cachait le hasard _ Jean Cayrol

Je reviens de si loin que j’ai peur de me perdre ; / je laisse un long sillage environné de chiens. / Voici que tombent enfin mes cordes et mes liens / et je retourne lentement vers l’usure de mes lettres. _ Jean Cayrol

Un dieu rêve dans le grain / et la douce aurore arrachée / au premier baiser de la faim. / Qui me croira ? Je suis caché. _ Jean Cayrol

Parfois Dieu déforme l’homme dans son sommeil : / l’œil est immense sur le front comme une coupole transparente, / son corps grandit comme un arbre prodigieux, des ailes battent sur son dos / mais le matin toute la terre semble un lit d’herbes dérangées. _ Jean Cayrol

Dieu a les mains vides et le Jardin déjà maudit lui apparaît dans son effervescence de plantes et d’animaux ; Adam se réveille mais il n’est pas encore l’Homme. _ Jean Cayrol

sans ancêtres, l’oiseau secourt / des plumages abolis. _ Jean Cayrol

Ombre si douce au toucher / Miroir heureux où se penche / Un visage que rien ne dérange / Comme un aveu d’éternité. _ Jean Cayrol

Je ne me souviens plus / si nous sommes vivants /…/ Je ne me souviens plus / si le vent va durer /…/ Je ne me souviens plus très bien où / j’ai mis ma mémoire /…/ Je ne sais plus très bien / si je fuis / où je fuis _ Jean Cayrol

L’arbre se meurt / avec les oiseaux de l’oubli _ Jean Cayrol

Elle court, elle court, l’aurore / dans les yeux secrets des morts / Tant d’abeilles affamées tournent autour d’arbres si nus / et tant de dieux écumants sortent des mondes perdus. _ Jean Cayrol

Je vieillis comme on peut, sans douceur ni espoir. / J’attends dans le courrier la lettre qui dira : / “ Ne crains rien, tu n’es pas à l’abri d’une histoire, / entends rêveusement ce confus opéra. “ _ Jean Cayrol

pillé, détruit et jamais satisfait / en vieillissant, le Temps attend. _ Jean Cayrol

J’avance à pas d’herbe, / dans ce hautain remuement des rêves, / dans ce sous-bois orange et noir / où se lève / un vent géant plus faible / que ce faux soir / dans la grande pause du Verbe. _ Jean Cayrol

Monde froid et masqué / avec son goutte à goutte de larmes, / impitoyable pour la liberté / et pour le rire, / à qui l’on brise les charmes, / dont on a rasé la tête, / qu’on dénude / et qu’on apprête / comme un condamné à mort : / il n’y a plus qu’un dieu cloué / à cause du pire… _ Jean Cayrol

Tes yeux pleins de mes larmes / ta voix pleine de mon cri / ta nuit ferme comme une arme / dans un grand silence enfin / prend un visage gris. _ Jean Cayrol

Cette nuit,/ dans la résine du sommeil je l’ai endormie. _ Jean Cayrol

_ Qui vient nous séparer de ce qui fut rêvé ? _ Jean Cayrol

_ J’ai entendu une huître qui disait: ferme-la. _ Jean Cayrol