Il faisait un temps magnifique quand tu es mort / Le cimetière était si joli /que personne ne pouvait être triste / On s’aperçoit depuis quelque temps que tu n’es plus là / Je n’entends pas tes ricanements /Tu te tais / ou tu hausses les épaules / tu ne voudras jamais connaître le paradis / Tu ne sais plus où aller / Mais tu t’en moques _ Philippe Soupault

— Comment mourir / Quand on peut encore rêver _ Georges Schehadé

Lorsque la terre pleine de paupières mouillées / se fera cendre et âpre air tamisé / et que les mottes de terre sèches et les eaux, / les puits, les métaux / rendront enfin leurs morts usés, / je veux une oreille, un œil, / un cœur blessé qui retentisse, / un trou de poignard depuis longtemps enfoncé / dans un corps depuis longtemps exterminé et seul _ Pablo Neruda

Gagné d’horreur sacrée au fil des lents couloirs, / Parfois je doute, brouillant l’ordre et la limite, / Si, les pas dans les pas le long des mêmes soirs, / C’est moi qui suis le mort ou si le mort m’imite. _ Jorge Luis Borges

Un vieillard vit en moi qui fabrique ma mort. / A son souffle les ans se transforment en cendre, / les fruits décomposent leurs sucres / et le givre descend au labyrinthe de mes organes. _ Jorge Carrera Andrade

Mort, éternelle paresseuse, / Dans tes glaces quelle âme est prise / Comme un vaisseau ? _ Henri Pichette

Couchée à plat sur la mort / la vie entre les idées _ Ghérasim Luca

Dressons-nous dans la mort du soleil / comme au sein d’une flamme magique ! / Les filles qui chantent derrière les vitres / célèbrent le rite / des prairies épousées par le soir. _ Pericle Patocchi

Sans regard, à moins que / Les yeux ne reparaissent / Telle l’étoile perpétuelle / La rose aux maints pétales / Du royaume crépusculaire de la mort / Le seul espoir / D’hommes vides. _ T.S. Eliot.

Par la mort du plus pur / Toute joie est invalidée / La poitrine est comme évidée, / Et l’œil en tout connaît l’obscur. /… / Il faut quelques secondes / Pour effacer un monde. _ Michel Houellebecq

— Les nuages, les vents, les nuits qui, passagères, furent ma vie, / Maintenant, stables sans mon regard, deviennent mon corps asservi / Dans la mort ; et les plantes lentement / Penchent des têtes très mouvantes. / JE VOULAIS /— Je voulais que les fils d’araignée / M’attendent ; / Je voulais être mouche au plus frêle de la rosée. _ Armand Robin

Car il sut que la vie se nourrit de la mort : / Le bœuf gémit dans l’abattoir, / Le chien à la porte, en hiver. / Il pleura, nomma cela Pitié / Et ses larmes tombèrent dans le vent. _ William Blake

L’orage est près / Une branche s’incline sur l’œil qui dort / Un poisson mort / L’eau s’étire / Quelqu’un sort / Là-haut on pourrait lire un mot / La chambre est remplie d’air chaud / Ce qui tombe / La pluie / Larmes de tout le monde / Un éclair luit / Le ciel s’entr’ouvre / On rit / C’est la tête fendue d’un homme qui soupire _ Pierre Reverdy

Le soleil est dans la terre / tout le ciel sous une dalle / les soldats veillent / des anges / rôdent autour / la brise / remue l’herbe des tombes / les morts / ont des sourires qui chantent / dans le ramage des grives _ Pericle Patocchi

Les morts entendirent la voix de l’enfant, / Ils commencèrent à s’éveiller de leur sommeil ; / Toutes choses entendirent la voix de l’enfant, / Commencèrent de s’éveiller à la vie. _ William Blake

Lorsque viendra le printemps, / si je suis déjà mort, / les fleurs fleuriront de la même manière / et les arbres ne seront pas moins verts qu’au printemps passé. / La réalité n’a pas besoin de moi. _ Fernando Pessoa

sous la soutane feuille morte guettant le débiteur / l’homme marche prisonnier dans la doublure de son âme / entouré de vapeurs d’anges désaffectés _ Tristan Tzara

tant craint l’homme son dieu qu’à son approche il tombe il se noie / tant craint l’homme sans horizons sa mort que dépourvu de dieu il cache sa tombe / tant craint l’homme _ Tristan Tzara

Il y a une solitude de l’espace / Une solitude de la mer / Une solitude de la mort, mais toutes / Seront jeux de société en face / De ce site plus profond / De cette intimité polaire / Où une âme se boucle avec elle-même — / Infinité finie _ Emily Dickinson

La lumière moins publique, où la vie signifiait / Un peu plus qu’un campement en folie. « Venez ! » criaient les déserts de granit, / « Que votre humeur est vague, combien est fortuit / Le baiser le plus tendre, que la mort est durable ! » (De futurs saints / S’esquivaient avec un soupir.) « Venez ! » ronronnaient graviers et argiles _ W.H. Auden

Pour accepter la mort il faut / Que la mort se change en lumière / Que la lumière se change en eau / Et que l’eau se change en mémoire. _ Michel Houellebecq

Mené par des morts inconnus, / Trompé par de pieuses hypothèses, / Sur le siège de la manie / Ou celui de la désolation, / Il trône, meurtrier lucide ; / D’énormes beautés l’environnent, / Car sa vision est grandiose / Et grandiose son amour. _ W.H. Auden

Le monde meurt. En route, vieux fantômes ! /…/ Qui veut ressusciter d’entre les morts ? / Ivresse ! Faut-il donc qu’elle sanglote / toujours — encore — l’ancre dans les ports ? _ Benjamin Fondane

Vous qui vivez, ah ! dites-moi / comment un bras vivant se lève / pour illuminer tant d’ombre, / vous qui vivez, croyez-vous à ma mort ? / et que je passe à travers les murs / comme un homme basculant tombe / d’une fenêtre dans l’air fuyant ? _ René Daumal

Triptyque / volet C _ Des algues me couvraient,/Avec des coquillages je jouais./…/ Même quand je joue / Avec les branches qui me couvrent, /…/ Je suis avec vous tous / Je suis votre peur de la mort. _ Armand Robin

Corps et Esprit fonctionnent / Selon des horaires divers : / Ce n’est qu’après notre visite matinale / En ces lieux que nous pouvons / Laisser les inquiétudes mortes / De la veille derrière nous, / Affronter avec tout notre courage / Ce qui, à présent, va venir. _ W.H. Auden

Vos rêves ce sont les couronnes / des nuits des heures monotones / que vous donnez à ceux qui meurent / de ne croire qu’à ce qui demeure _ Philippe Soupault

Il y a quelque chose de mort au fond de moi, / Une vague nécrose une absence de joie / Je transporte avec moi une parcelle d’hiver, / Au milieu de Paris, je vis comme au désert. _ Michel Houellebecq

Les rêves (il paraît que les rêves méritent d’entrer en danse, qu’il vaut mieux ne pas les oublier). Les réincarnations, les paradis, les enfers, enfin quoi : après la vie, la mort encore à vivre ! _ Francis Ponge

Fleuves charriant de grandes membranes mortes, / pellicules blanches de la souffrance, / coulée des larmes et des sueurs, / dans quelle bouche allez-vous vous perdre, / pour renaître fleurs de feu ? _ René Daumal

Souffrant. Ne souffrant presque plus déjà… J’écris le plus, le presque, le déjà,— de la mort déçue. J’écris au passé infini, enfantin, d’un rayon brisé. De la lumière ouverte… _ Jacques Dupin

Elle court, elle court, l’aurore / dans les yeux secrets des morts / Tant d’abeilles affamées tournent autour d’arbres si nus / et tant de dieux écumants sortent des mondes perdus. _ Jean Cayrol

A ma mort / venez tous / déguisés en oiseaux _ Yasui Kôji

oiseaux oiseaux que je déplore / tout ce mal qui vous assiège / ces gens qui veulent la mort / de vos arpèges _ Raymond Queneau

La main qui signa l’acte abattit une cité. / Cinq doigts souverains levèrent une taxe sur le souffle, / Doublèrent le globe de morts et coupèrent un pays en deux. / Ces cinq rois firent mourir un roi. _ Dylan Thomas

Une personne est une idée vivante ; / après la mort, une idée morte. _ Jack Kerouac

Prince de la nuit, du double, de la glande/ aux étoiles/ du siège de la Mort,/ de la colonne inutile,/ de l’interrogation suprême. _ Henri Michaux

La Magie est sans généalogie/ Elle naît avec notre Souffle/ Et qui nous pleure la croise à son départ/ A l’instant de notre mort _ Emily Dickinson

La mort est toutes métaphores, la forme d’une seule histoire. _ Dylan Thomas

On dort/ La peur glisse dans le décor/ La nuit pousse un soupir et meurt _ Pierre Reverdy