ma bouche grimpante a mordu, s’est accrochée, une fois encore, / quand elle t’a cherchée, trace de fumée / toi, là-haut, / silhouette de femme, / toi en voyage vers mes / pensées de feu dans le gravier noir _ Paul Celan

Miroir lunaire l’abrupt. Vers le bas. / (Lueur maculée par le souffle. Stries de sang. / Nuée de l’âme, qui a pris corps encore une fois. / Ombre des dix doigts — cramponnés.) _ Paul Celan

Défilé de rayons, toujours, les / miroirs, loin comme la nuit, sont debout / face à face, et moi, / qui t’ai rejoint, en / accord avec ce / passé. _ Paul Celan

Ainsi je soutiens, pétrifié, le / lointain, où je t’emmenais. /…/ Lavés / d’une pluie de sable les deux / trous à la limite inférieure du front. / À scruter, / tu y trouves l’ombre. _ Paul Celan

FILS VISIBLES, FILS LISIBLES, / noués dans la bile de nuit / derrière le temps : /…/ qui / est assez invisible / pour vous voir ? _ Paul Celan

C’était moi, moi, / j’étais entre vous, étais / ouvert, étais / audible, je vous alertais du doigt, votre souffle / obéissait, je suis / encore le même, mais vous / dormez. _ Paul Celan

SOLEILS-FILAMENTS / au-dessus du désert gris-noir. / Une pensée haute comme / un arbre / accroche le son de lumière : il y a / encore des chants à chanter au-delà / des hommes. _ Paul Celan

Rester là, tenir pour-personne-et-pour-rien. / Non-connu de quiconque, / pour toi / seul. _ Paul Celan

je te dégage / de l’amen qui nous stupéfie, / de la lumière de glace qui le borde / là où il entre haut comme une tour dans la mer, / là où la grise, la colombe / picore les noms / en deçà et au-delà du mourir _ Paul Celan

EN L’AIR LÀ-HAUT, c’est là que demeure ta racine, là, / en l’air. / Là où le terrestre se met en boule, terreux, / souffle-et-glaise. _ Paul Celan

composition / 65 _ Aile-nuit de très loin venue et maintenant / à jamais tendue / sur la craie et sur la chaux. _ Paul Celan

Gain de lumière, mesurable, dans une chose / proche du chardon : / un peu / de rouge, conversant / avec un peu de jaune. / Le voile de l’air devant / ton œil désespéré. / Le dernier / grain de sable, qui chevauche. _ Paul Celan

Tu es là / où est ton œil, tu es / là-haut, tu es / en bas, je trouve / la sortie. /… / Ô ce milieu voyageur vide / hospitalier. Séparés / je t’échois, tu / m’échois, l’un de l’autre / déchus, nous voyons / à travers _ Paul Celan

Laves, basaltes, roche / rougie au feu de cœur du monde. / Tuf de source / où pour nous la lumière a grandi , avant / le souffle. _ Paul Celan

Vol d’oiseau, vol de pierre, mille / voies décrites. Des regards, / cueillis et ravis. La mer / goûtée, entièrement bue et rêvée. Une heure, / assombrie d’âmes. La suivante, lumière automnale, offerte à un sentiment / aveugle, qui allait son chemin. D’autres, beaucoup d’autres, / sans lieu , avec leur propre pesanteur : aperçues, contournées _ Paul Celan

Personne / ne témoigne pour le / témoin. _ Paul Celan

C’est le poids qui retient le vide / qui avec / toi s’en irait. / Ça n’a, comme toi, pas de nom. Peut-être / êtes-vous la même chose. Un jour peut-être / toi-aussi, tu m’appelleras / ainsi. _ Paul Celan .

Des blocs erratiques, des étoiles, / noirs et pleins de langage: nommés / d’un serment tu jusqu’à le rompre. _ Paul Celan

Ouvert au tourbillon / des bourrasques, / dégagé libre / le chemin à travers / la neige aux formes d’humain, / la neige des pénitents, vers / les hospitalières / tables et tavernes de glacier. _ Paul Celan

Une larme, à demi,/ lentille plus aiguë, mobile,/ capte pour toi les images. _ Paul Celan

Rond d’oeil entre les barreaux./ Paupière, animal cilié,/ rame vers le haut,/ libère un regard. _ Paul Celan

Temps du coeur, les êtres du rêve/ répondent/ du chiffre de minuit. _ Paul Celan

pose la cloche de ton/ ciel qui s’arrache/ à la dernière/ corde de pluie. _ Paul Celan

Le rouge-perdu d’un/ fil de/ pensée. _ Paul Celan

corniche de neige errante, projetait son ombre—m’avez-vous connu ? _ Paul Celan

Rapatrié dans l’oubli,/ le dialogue convivial de nos/ yeux lents. _ Paul Celan

Ce mille de mélancolie/ encore à/ parcourir. _ Paul Celan

composition / 52 _ noués dans le fil du coeur les/ dialogues des vers de terre-: / corde tendue qui fait/ vibrer ton texte-flèche,/ Sagittaire _ Paul Celan

Silhouette grise, toi qui n’as/ pas d’yeux, regard de pierre, avec lequel/ la terre nous a surgi, humaine,/ sur des chemins de bruyère obscure ou blanche,/ le soir, face/ à toi, gouffre du ciel. _ Paul Celan

Toi, le noeud arraché/ du cou avec la lumière/ Unique :/ transpercé par aiguille et cheveu/ en chemin, en chemin. _ Paul Celan

Tout au fond/ de la crevasse des temps,/ près de la/ glace alvéolaire,/ attend, cristal de souffle,/ ton inébranlable/ témoignage. _ Paul Celan

Le rayon à travers toi de part/ en part martelé,/ qui écrit ici,/ plus rouge que rouge. _ Paul Celan

La moitié de Mort,/ nourrie au sein de notre vie,/gisait autour de nous vraie d’image de cendre _ Paul Celan

Sur le bord extrême du regard : la danse/ de deux lames passant/ sur la corde d’ombre du coeur. _ Paul Celan

Des regards/ inventés, cicatrices/ de vue,/ entaillées dans le vaisseau spatial,/ mendient des bouches/ terrestres. _ Paul Celan

Le monde est parti, il faut que je te porte. _ Paul Celan

Ton haut chant/ des chants, mâchoire/ à demi fracassée/ plantée dans la dure/ étincelle de février./___/ Ce mille de mélancolie/ encore à/ parcourir. _ Paul Celan

Le crâne par-dessus/ retourné, où sur/ la tempe sans sommeil un/ marteau feu-folletant/ chante tout ça dans la cadence/ du monde. _ Paul Celan

_ Et le trop de mes paroles : / déposé sur le petit/ cristal dans le fardeau de ton silence. _ Paul Celan

_ Là-bas : un sentiment/ qu’entraîne ici le vent de glace./ Il arrime l’étoffe couleur/ colombe, neige, son drapeau. _ Paul Celan