Ruelles vides, lumières borgnes. / À l’angle, / le spectre d’un chien. / Il cherche dans les ordures / un os fantôme. _ Octavio Paz

Déluge de soleils / nous ne voyons rien mais voyons tout / Corps sans poids sol sans épaisseur / montons-nous ou descendons-nous ? /…/ Ton corps est un diamant / où es-tu ? / Tu t’es perdu dans ton corps _ Octavio Paz

Dans la nuit grandit le ciel, / eucalyptus incendié. / Étoiles généreuses : / ne m’écrasent pas, m’appellent. _ Octavio Paz

Pensées en guerre / veulent briser mon front _ Octavio Paz

Je m’éloigne de moi-même, / à la suite de cette phrase titubante, / sentier de pierres et de chèvres. / Les mots luisent dans l’ombre. / Et la noire marée des syllabes / couvre le papier, elle enterre / leurs racines d’encre / dans le sous-sol du langage. _Octavio Paz

Maîtres des yeux / nuages / architectes de silences / quand soudain / surgit le mot / albâtre / svelte transparence non conviée / Tu dis / j’en ferai de la musique / château de syllabes / Tu n’en fis rien _ Octavio Paz

Il existe un troisième terme : / l’être sans être, la plénitude vide, / heure sans heures et les autres noms / où apparaît et se disperse / dans les confluences du langage / non pas la présence : son pressentiment. / Les noms qui la nomment disent : “néant“, / mot à double tranchant, mot entre deux vides. _ Octavio Paz

Par des chemins d’oiseaux / avance l’écriture /…/ La main pense à voix haute / le mot en convie un autre _ Octavio Paz

Sur la feuille où j’écris / vont et viennent les êtres que je vois /…/ Le livre et le cahier / replient les ailes et reposent _ Octavio Paz

Hier soir un frêne / sur le point de me dire / quelque chose — il s’est tu. _ Octavio Paz

Eau qui court amoureuse / l’eau ailée / le rossignol sur la muraille _ Octavio Paz

Je dessine ces lettres / comme le jour dessine ses images / et souffle sur elles et ne revient pas _ Octavio Paz

Je frotte mes paupières : / le ciel marche sur la terre _ Octavio Paz

Je suis où je fus : / je vais derrière le murmure, / pas au-dedans de moi, entendus avec les yeux, / le murmure est mental, les pas sont moi-même, / j’entends les voix que je pense, / les voix qui me pense quand je les pense. / Je suis l’ombre que projettent mes mots. _ Octavio Paz

Végétations d’éclairs, / géométries d’échos : / sur la feuille de papier / le poème se lève / comme le jour / sur la paume de l’espace. _ Octavio Paz

J’ouvre les yeux : / beaucoup d’arbres sont nés / cette nuit. _ Octavio Paz

Nous devenons immenses / seulement pour nous connaître / les yeux fermés _ Octavio Paz

Court et s’attarde sur mon front / lente et s’abîme en mon sang / l’heure passe sans passer / en moi se sculpte et se dissipe _ Octavio paz

D’un mot à l’autre/ ce que je dis s’évanouit./ Je sais que je suis vivant/ entre deux parenthèses. _ Octavio Paz

Mémoire qui compose et décompose les échos :/ aux quatre coins de la boîte/ jouent à cache-cache les dames sans ombre. _ Octavio Paz

Monuments à chaque moment/ faits avec les défaits de chaque moment : / cages d’infini. _ Octavio Paz

Les apparitions sont flagrantes./ Leurs corps pèsent moins que le jour./ Et durent ce que dure cette phrase. _ Octavio Paz

Il s’inventa un visage./ Derrière lui/ il vécut, mourut et ressuscita/ maintes fois./ Son visage/ a maintenant les rides de ce visage./ Ses rides n’ont pas de visage. _ Octavio Paz