Papillons d’eau douce et papiers de soie _ Philippe Soupault

Hier soir un frêne / sur le point de me dire / quelque chose — il s’est tu. _ Octavio Paz

je me vide devant vous poche retournée / j’ai abandonné à ma tristesse le désir de déchiffrer les mystères / je vis avec eux je m’accommode à leur serrure _ Tristan Tzara

Figures blanches toutes en / lumière, / Comme un camion qui devient une masse / carrée de barres de lumière brillantes, / Figure Apparitionnelle vide & / secrète de l’esprit. / Plus que ça. Visage / est masse-laitance de / lumière-étoile, folie / elle-même personnifiée / & encombrant l’espace / & pénétrable partout. _ Jack Kerouac

» Il faut nous élever au-dessus de nous-mêmes ! » / —Et j’ai grimpé plus haut que moi / plus haut que la maison, la mère et que la femme dont le ventre était chaud / j’ai quitté les oiseaux familiers, la basse-cour / j’ai marché un instant sur la tête des hommes / plus haut, plus haut encore il fallait que je monte / afin de dépouiller mon sang / Je n’aurais jamais cru que la barbe des sages / était si dure à traverser _ Benjamin Fondane

L’inaltérable éclat des pleurs dissimulés / M’illumine tout l’espace en temple taciturne / Où même un cri de Dieu ne serait qu’un murmure. / L’éternité commence à devenir poignante. _ Armand Robin

que ferais-je sans ce silence gouffre des murmures / haletant furieux vers le secours vers l’amour / sans ce ciel qui s’élève / sur la poussière de ses lests _ Samuel Beckett

Aux confins des forêts un écureuil me garde /Et parfois il devient oiseau pour voir au loin / Puis, reprenant fourrure, il cherche et me regarde / Mais que peut-il pour moi qui pour lui ne peux rien. _ Jules Supervielle

Montée avec mes jumelles / sur le mât d’une épine je m’exerce / aux douleurs physiques en les rendant plus proches. _ Kiki Dimoula

Parfois Dieu déforme l’homme dans son sommeil : / l’œil est immense sur le front comme une coupole transparente, / son corps grandit comme un arbre prodigieux, des ailes battent sur son dos / mais le matin toute la terre semble un lit d’herbes dérangées. _ Jean Cayrol

Le Paradis, tombant, s’était cassé dans l’ombre. _ Jean Cocteau

il faut briser les jeux fixes du miroir et entrer dans le mouvement irrésistible par lequel l’absurde se dépasse lui-même. _ Albert Camus

J’ai sommeil ainsi qu’a froid un chien errant. / J’ai sommeil infiniment. / Demain je te dirai les paroles, ou après-demain. / Oui, peut-être après-demain seulement… _ Fernando Pessoa

Que s’est-il passé ? Qu’est-il arrivé ? / J’étais pauvre, faible et malade. / Mais j’ai su de certains Mystères / Avant l’heure percer le secret, / Et j’ai connu la Majesté. /…/ Esclave indigne, j’avais négligé / Les trésors dont j’avais la garde, / J’étais roi et veilleur par hasard, / ….. _ Alexandre Blok

L’art suprême, ce qui manque à tant de petits maîtres, c’est de savoir donner sa langue au chat. _ Christian Bobin

Sur les blessures que les montagnes clament aux quatre vents / Se pose le baume rose, oscillant du couchant. / L’éternité fredonne un vol de scarabée, / Aux fontaines se déride un ciel en peine / Et l’herbe se décide à l’embrasser. _ Armand Robin

Hélas ! je suis trop petit pour que vous m’aimiez, / O mes amies, charmantes Princesses du soir ! / Vous écoutiez le chant des ramiers, / Vous me regardiez sans me voir. _ Paul Claudel

Les oiseaux maintenant volent de leurs propres ombres / Les regards n’ont pas ce pouvoir _ Paul Eluard

Eau qui court amoureuse / l’eau ailée / le rossignol sur la muraille _ Octavio Paz

L’âge de la lune ? / je dirais treize ans — / à peu près ! _ Kobayashi Issa

à peine la clarté que laisse la mer en se retirant _ Jacques Dupin

et le loup embourbé dans les vignes tortueuses / a trouvé son berger le berger de la divine constellation / il a mis dans ses mains confiantes et calleuses / sa vigueur chercheuse d’inédites libertés _ Tristan Tzara

un âne plane / autour des tours de Notre Dame / un âne clame son existence / avant qu’elle ne se fane _ Alain Bashung—Jean Fauque

J’écoute le mauvais temps tomber. _ Dylan Thomas

Mais si l’invention tendre d’un enfant / sortait de notre monde, / rejoignait celui que rien ne rejoint ? /…/ Ou est-ce nous qu’elle console sur ce bord ? _ Philippe Jaccottet

Elles raccourcissent les journées, raccourcissent / pour s’angoisser moins longtemps. _ Kiki Dimoula

Je tiens toute ma tête / Comme un fil d’araignée, / Comme une couronne de rêve et de rosée / Que rompt chaque tête rapide / D’homme allant à son travail. /…/ L’avant-aube où je vis est affairée. _ Armand Robin

Révolu le sommeil, / Je me douche de pluie. / Le caressant soleil / À paumes d’or m’essuie. _ Henri Pichette

composition / 65 _ Aile-nuit de très loin venue et maintenant / à jamais tendue / sur la craie et sur la chaux. _ Paul Celan

Je dessine ces lettres / comme le jour dessine ses images / et souffle sur elles et ne revient pas _ Octavio Paz

Corps et Esprit fonctionnent / Selon des horaires divers : / Ce n’est qu’après notre visite matinale / En ces lieux que nous pouvons / Laisser les inquiétudes mortes / De la veille derrière nous, / Affronter avec tout notre courage / Ce qui, à présent, va venir. _ W.H. Auden

Dans tes bras de velours mouillé / qui glissent vers ma gorge, / dans ces cent bras mous ce qui tourne / et tourne toujours sous des sueurs blanches,/ c’est ce cœur noir, cet animal / que je ne connais plus. _ René Daumal