Je vais renaître sans cœur, / toujours dans le même univers, / toujours portant la même tête, / les mêmes mains, / peut-être changées de couleurs, / mais cela même ne me consolerait point. _ René Daumal

A droite je regarde dans les plus beaux yeux / A gauche entre les ailes aveugles de la peur _ Paul Eluard

Je reviens aujourd’hui du plus profond des siècles. / J’apporte dans mon crâne — dans sa cruche d’os —/ toute l’histoire humaine, / les fleuves de la terre dissous dans mon sang / et sur mon corps toutes les traces de l’épée. _ Jorge Carrera Andrade

EN L’AIR LÀ-HAUT, c’est là que demeure ta racine, là, / en l’air. / Là où le terrestre se met en boule, terreux, / souffle-et-glaise. _ Paul Celan

Je connais le désespoir dans ses grandes lignes. Une forme très petite, délimitée par des bijoux de cheveux. C’est le désespoir. Un collier de perles pour lequel on ne saurait trouver de fermoir et dont l’existence ne tient pas même à un fil, voilà le désespoir. Le reste nous n’en parlons pas. _ André Breton

Mon âme, dans son Neptune de métal, / Forgée avec les minéraux de l’homme. / Tel fut le dieu du commencement dans le tourbillonnant dédale de la mer, / Et mes images ont rugi et fusé sur les pentes du ciel. _ Dylan Thomas

On supprimera le Sens du Mot / Au nom du Sens des mots, / Puis on supprimera le sens des mots. _ Armand Robin

De véritables dieux, des oiseaux dans la terre /Et dans l’eau, je les ai vus. /…/ Leurs ailes sont les miennes, rien n’existe / Que leur vol qui secoue ma misère, / Leur vol d’étoile et de lumière / Leur vol de terre, leur vol de pierre / Sur les flots de leurs ailes _ Paul Eluard

C’est la profonde anatomie / Toujours faussement endormie, /Où le moindre de nos organes / Garde sous la peau l’air horrible / De qui vit toujours dans le sang / Et sans cesse réfléchissant / À son imminent avenir. _ Jules Supervielle

Ô toi, centre du jeu / où l’on perd quand on gagne ; / célèbre comme Charlemagne,/ roi, empereur et Dieu, — / tu es aussi le mendiant / en pitoyable posture, /et c’est ta multiple figure / qui te rend puissant. _ Rainer Maria Rilke

Qu’aucun troisième œil ne sonde le sexe de l’arc-en-ciel / Qui enjambait les deux moitiés de l’homme. _ Dylan Thomas

Je n’avais pas revu la terre / — qui me pressait de voyager ? _ Benjamin Fondane

J’efface mon image je souffle ses halos / Toutes les illusions de la mémoire / Tous les rapports ardents du silence et des rêves / Tous les chemins vivants tous les hasards sensibles / Je suis au cœur du temps et je cerne l’espace. _ Paul Eluard

Nous allongeons le cou pelé par l’ignorance. / Toujours quelque nuage au moment d’y voir clair… / Nous n’en restons pas moins dans notre vigilance / Espérant en connaître un peu plus long demain. _ Jules Supervielle

Je lis souvent l’annuaire du téléphone. / Je me sens plus en sûreté d’être arrosée / de tant de numéros voisins. _ Kiki Dimoula

af

Sous le couvert des pas qui regagnent le soir une tour habitée par des signes mystérieux au nombre de onze / La neige que je prends dans la main et qui fond / Cette neige que j’adore fait des rêves et je suis un de ces rêves _ André Breton

Sur la feuille où j’écris / vont et viennent les êtres que je vois /…/ Le livre et le cahier / replient les ailes et reposent _ Octavio Paz

Poisson traîné sorti de son eau jeté sur le sable à cinquante lieues du bercail marin / sable de rivière sable de poussière sable de misère sable de terre _ Raymond Queneau

Il n’y a plus d’écriteaux au ciel / que des lambeaux / des oreilles perdues / Et des têtes inquiètes / Des lueurs de regards / Et par la porte ouverte / La perspective du hasard _ Pierre Reverdy

Je crois au monde comme à une pâquerette, / parce que je le vois. Mais je ne pense pas à lui / parce que penser c’est ne pas comprendre… _ Fernando Pessoa

Nous devons développer une attitude de non-résistance au monde ; / Le négatif est négatif, / Le positif est positif, / Les choses sont. / Elles apparaissent, elles se transforment, / Et puis elles cessent simplement d’exister ; / Le monde extérieur, en quelque sorte, est donné. _ Michel Houellebecq