J’ai ôté le Christ / du crucifix / et j’y ai mis tes yeux /…/ Au-dessus de mon lit / – ainsi – / j’aurai deux torches éternelles / pour éclairer les livres / de mes nuits d’insomnie. _Claudio Pozzani

Miroir lunaire l’abrupt. Vers le bas. / (Lueur maculée par le souffle. Stries de sang. / Nuée de l’âme, qui a pris corps encore une fois. / Ombre des dix doigts — cramponnés.) _ Paul Celan

Qui est ce visiteur nocturne au visage inconnu / que vient-il chercher que vient-il espionner / Est-ce un pauvre demandant pain et gîte / Est-ce un voleur est-ce un oiseau / Est-ce un reflet de nous-mêmes dans la glace / Qui revient d’un abîme de transparence / Et tente de rentrer en nous _ Robert Desnos

Sous son chapeau mordoré / dort un champignon comestible / un connaisseur vient le cueillir / il meurt de façon horrible / ce végétal désespéré / s’était empoisonné _ Raymond Queneau

Pour se délivrer d’incertitude, ils défilent, pensant qu’ils déferlent, cœurs d’enfants dans un corps de foule. /…/ Et toi? _ Henri Michaux

La ligne fulmine contre la matière. C’est en vain que sa foudre frappe le monde. Tout corps solide lui est une alarme, voire une offense. Le feu de la masse lui fait défaut. Sa longueur fuit et s’effondre entre deux absences. /…/ Tôt ou tard, son tracé se réfugiera dans l’écriture, et là aussi, elle parlera d’autre chose. _ François Jacqmin

À cinq minutes de la fin du monde / l’orchestre attaque le Tonnerre… / La Beauté meurt d’épuisement / sur les genoux des spectateurs / émus par cette Nuit savoureuse entre toutes… _ Benjamin Fondane

J’ai vomi mon âme / hier / et à présent je me sens plus léger / Je peux nager librement / sans le poids du remords et des méchancetés / J’ai vomi mon âme / hier / et j’ai sali mes chiottes _ Claudio Pozzani

Abusivement inséré en vie, / Contre toute mon évidence à partir de 1912 je fus dit en vie._ Armand Robin

tant craint l’homme son dieu qu’à son approche il tombe il se noie / tant craint l’homme sans horizons sa mort que dépourvu de dieu il cache sa tombe / tant craint l’homme _ Tristan Tzara

Mais ce cœur est rongé d’ennui comme le mien, / comme le mien aussi salé de solitude / on ne peut s’embrasser qu’à travers un miroir, / se toucher qu’à travers un fleuve de silence _ Benjamin Fondane

Nous venions, souvenez-vous-en, arbres, / D’un pays de glaces et de neiges / Et le plus bel arbre, avec ses bourgeons et ses feuilles / Y dort dans un linceul transparent / Sur un lit moelleux de feuilles des lointains automnes. _ Robert Desnos

Que de gènes insatisfaits en tous, en chacun ! / Et toi aussi, tu pouvais être autre, tu pouvais même / être quelconque et… l’accepter. / Quel être t’es-tu mis à être ? _ Henri Michaux

Le piège obscur des hontes / Avec entre les doigts les brûlures du jour _ Paul Éluard

il est le seul à s’échapper le sang /sous la porte d’une cellule… _ Jacques Dupin