Je deviens / L’écume des blés, un miroitement des vagues. / Le cri de l’enfant /… / Se fond dans le mur . / Et je / Suis la flèche. _ Sylvia Plath

Organes épars, courses rompues, intentions prises dans la pierre. Le solide vous a ainsi. En tessons de vous-même. Le solide tant désiré vous a enfin. / Disloqués, en morceaux, genoux de l’élan. _ Henri Michaux

Perdre la nuit, c’est récolter une pensée. _ Edmond Jabès

Il divisa les temps des temps et mesura / L’espace avec l’espace aux neuf plis de son ombre, / Non vu et non connu ; les changements surgirent / Comme montagnes désolées que déchirent furieusement / Les vents noirs de l’extrême tourmente. _ William Blake

Mais il est seul / Un jour / L’amour / L’a quitté, s’en est allé / Faire un tour / D’l’ autr’ côté / D’une ville où y avait pas de places pour se garer _ Gérard Manset

Ce soir-là, en des temps plus anciens que l’enfance ; ce soir-là, alors que la nuit était imminente, je vis votre visage, et tel, et si profond _ Roger Kowalski

Sous son chapeau mordoré / dort un champignon comestible / un connaisseur vient le cueillir / il meurt de façon horrible / ce végétal désespéré / s’était empoisonné _ Raymond Queneau

et les canards dans leur mare dignes / se moquent de n’être pas cygnes _ Raymond Queneau

Puissances sans figure ! / Une absence nous creuse sur l’oreiller du vide, / la matière n’est plus possession mais échange, / le moindre événement du pôle / nous fripe le visage _ Benjamin Fondane

Lorsqu’une idée du dehors t’atteint, quelle que soit sa naissante réputation, demande-toi : quel est le corps qui est là-dessous, qui a vécu là-dessous? / De quoi va-t-elle m’encombrer? / Et me démeubler? / Cependant au long de ta vie, te méfiant de ta méfiance, apprends aussi à connaître tes blocages. _ Henri Michaux

Au fond de l’océan / l’éponge écoute /…/ une hélice transatlantique _ Jean Cocteau

Je n’ai pas réduit le nombre / des êtres masqués du monde, / j’ai nourri le mystère du monde /par sacrifices et privations. / Avec le sang qui m’a été donné pour l’expliquer. _ Kiki Dimoula

Le monde est une souffrance déployée. À son origine, il y a un nœud de souffrance. Toute existence est une expansion, et un écrasement. Toutes les choses souffrent, jusqu’à ce qu’elles soient. Le néant vibre de douleur, jusqu’à parvenir à l’être : dans un abject paroxysme. _ Michel Houellebecq

Muet. Le lien des mots commence à se défaire / aussi . Il sort des mots. / Frontière. Pour un peu de temps / nous le voyons encore. / Il n’entend presque plus. _ Philippe Jaccottet

Au creuset de ma tête / où kilos et kilos de souvenirs font un bruit de feuilles sèches, / dès que ta forme jaillit / je sens couler de l’or. _ Michel Leiris

Un homme atteint de telle solitude, qu’il aille et qu’il suspende aux sanctuaires le masque et le bâton de commandement ! / Moi je portais l’éponge et le fiel aux blessures d’un vieil arbre chargé des chaînes de la terre. / “ J’avais, j’avais ce goût de vivre loin des hommes, et voici que les Pluies…“ _ Saint-John Perse

C’est l’esprit qui m’a mis un coeur afin que je cesse de le martyriser. _ Antonin Artaud

Pas ces monstres charmants, / mais l’ange informe, / intérieur, qui dort / et, quelquefois, doucement / du haut en bas s’étire : / il se réveille ! _ Jean Cocteau

Des nuées affamées ont soudain brouté / La lune, cou d’agneau dont j’étais le berger. _ Armand Robin

Éclair dans les yeux. Houle dans le rêve. / Quelque chose a troublé le cœur. / Rouge, il sauta — et dans le rectangle clair, / Ouvrit grand la porte du carrosse. _ Alexandre Blok

Quand l’oiseau se déchire avec son chant / Les feuilles incertaines de leur mélancolie / Parfois cessent leur plainte / L’air au loin finit et ne veut plus entendre _ Georges Schehadé

Joie à venir, affreuse joie ! / De ce rayonnement obscur / quelle est ma part de lumière ? / Ô comme je voudrais quitter / ce cœur de papier que l’on froisse — / et cette molle éternité ! _ Benjamin Fondane

Je connais le désespoir dans ses grandes lignes. Une forme très petite, délimitée par des bijoux de cheveux. C’est le désespoir. Un collier de perles pour lequel on ne saurait trouver de fermoir et dont l’existence ne tient pas même à un fil, voilà le désespoir. Le reste nous n’en parlons pas. _ André Breton

C’est la profonde anatomie / Toujours faussement endormie, /Où le moindre de nos organes / Garde sous la peau l’air horrible / De qui vit toujours dans le sang / Et sans cesse réfléchissant / À son imminent avenir. _ Jules Supervielle

Poisson traîné sorti de son eau jeté sur le sable à cinquante lieues du bercail marin / sable de rivière sable de poussière sable de misère sable de terre _ Raymond Queneau

Hyppolite, l’oiseau du nord / Qui passa sur la plaine / L’oiseau qui chante, rêve et mord, / L’avez-vous vu à la fontaine ? / Il chante, il rêve, il mord, / Il dort. _ Robert Desnos.

Quand fleurissent les pruniers / le jardin s’emplit / de requins bleus _ Kaneko Tôta

Mets ta main / sur mon front / comme si ta main / était ma main. _ Attila Jozsef

Papillons d’eau douce et papiers de soie _ Philippe Soupault

Que s’est-il passé ? Qu’est-il arrivé ? / J’étais pauvre, faible et malade. / Mais j’ai su de certains Mystères / Avant l’heure percer le secret, / Et j’ai connu la Majesté. /…/ Esclave indigne, j’avais négligé / Les trésors dont j’avais la garde, / J’étais roi et veilleur par hasard, / ….. _ Alexandre Blok

Mon enfance posée à peine sur la nuit _ Jean Genet

Je suis celui sur lequel pèse l’essieu de n’importe quel code, / L’homme aux sens surhumains . / J’annonce le Moïse de demain _ Robert Desnos

Qu’est-ce donc que le chant ? / Rien qu’une sorte de regard / S’il pouvait habiter encore la maison / à la manière d’un oiseau / qui nicherait même en la cendre / et qui vole à travers les larmes ! _ Philippe Jaccottet

portrait caché / 33 _ J’ai confectionné avec des déchets de montagnes des hommes qui embaumeront quelque temps les glaciers. _ René Char

Grande figure fière / tu ne fus pas longue à t’engloutir dans les sables mouvants / Tes boucles elles-mêmes ne furent pas épargnées / Toute entière tu disparus et la grève refermée / ne garda même pas l’odeur exquise de ton corps vapeur d’ivresse souterraine _ Michel Leiris

Sur la vertu de l’herbe interrogez l’oracle. / Sa bouche d’ombre imite un bâillement de fleur / Dont la gorge à points blancs que du feu rose racle / Laisse entendre une voix lointaine de souffleur. /…/ Le bâillement de cette gorge d’orchidée / Sauvage (le poète est aussi médecin) / Délivre le pollen d’une petite idée, / Faisant la mère inceste et le fils assassin. _ Jean Cocteau

Nous rêvons alors / Que nous eûmes, / Fuyants sous la lune, / Les nuages, les vents pour parents. _ Armand Robin

Tant que ma parole est obscure il respire /…/ ses bras plongent dans l’eau glacée / entre les algues vers d’autres proies / glacées comme des lampes dans le jour _ Jacques Dupin

Je regarde à mes pieds pour y trouver le soleil. / Je n’ai qu’à baisser les yeux et tout ce qui n’était que confusion est devenu image dans un cadre, le mouvement lui-même est incorporé à la durée de l’eau immobile. _ Paul Claudel

C’est la Nuit qui secoue les branches / messages du ciel / les oiseaux immobiles crient / les serpents s’enterrent / et les hommes ferment les volets / et les paupières / messages de la terre _ Philippe Soupault