Langue, sois-moi toutes les langues ! / Cinquante langues, monde d’une voix ! _ Armand Robin

La tête sur la roue / j’avance face contre terre / lié par ce solide mouvement / qui ne se peut briser qu’il ne me jette — / Je roule dans le cadre fermé / avec la solitude à droite et le grand pont / rouillé à gauche. _ Benjamin Fondane

Ruelles vides, lumières borgnes. / À l’angle, / le spectre d’un chien. / Il cherche dans les ordures / un os fantôme. _ Octavio Paz

Tu es entré dans le vacarme / de tous les bruits assemblés / le silence / le beau silence a chanté /…/ à ce moment tu as reconnu / le son du nom qui te nommait /…/ et maintenant tu lèves / ton visage vers ton nom / quel flot l’enlève ? / tu cours / à travers champs délivré _ Pericle Patocchi

J’cloue des clous sur des nuages / un marteau au fond du garage / J’cloue des clous sur des nuages / sans échafaudage _ A.Bashung / J.Fauque

Je pars / sans localiser d’organes, / en délocalisant tout point de départ, / en neutralisant tout suppôt au départ / de sorte que l’individu ne vaille que par ce qu’il a fait en corps né, / et non en principe inné. _ Antonin Artaud

Fond de cale, / Un été dans la combe, / Plis perdus, / Un voyage en automne, / Il est minuit depuis toujours _ Jean-Claude Pirotte

Les dieux de la terre et des mers / Par la nature le cherchèrent, / Mais leur quête fut toute en vain : / L’arbre n’est qu’en l’esprit humain. _ William Blake

Peu aimés, il leur fallait laisser des traces matérielles ; / Mais eux ne souhaitaient d’autres dignités que nos visages / Pour y survivre incognito, heureux que nous ne puissions pas / Nous arrêter à ce qu’ils ont souffert, aimé, été. _ W.H. Auden

Les points toujours mobiles sont notés par gambades nerveuses sur un bout de papier rapidement replié après y avoir inséré le temps _ Ryoko Sekiguchi

Oiseaux ciseaux coupant le ciel / flèche de fer des hirondelles / cailloux tombant des passereaux / lessivage des étourneaux /…/ promenade des pigeons / promenade des dindons / et des paons la salutation _ Raymond Queneau

L’homme fat se réfugie / dans la responsabilité. / Il ne veut pas être bétail du sacrifice, / il veut être le sacrificateur. / Il ne veut pas se construire une arche, / il veut être les nuages du déluge. / Il ne veut pas être / le gibier bleu de la terre / il veut offrir un banquet à la terre. _ Jean Cocteau

C’était un vieux loup, édenté, la queue presque pelée. Il chantait d’une voix de jeune homme, et les guerriers croyaient qu’il était un des leurs. Puis ils le virent. Il se coucha près du feu, ils lui coupèrent un morceau de la meilleure viande de bison, ils lui donnèrent à manger. Il leur apprit ce chant, et depuis ils portent toujours leur “médecine“ dans un sac en peau de loup. _ Légende sioux /Partition Rouge / trad. J.Roubaud et F. Delay

Je veux tout oublier, et cet ange cornu / Comme le vieux Moïse, / Qui de moi se sachant le visage inconnu / À coups de front me brise. _ Jean Cocteau

L’espace où « ils »… et “elles“ n’iront jamais et ne le pourraient pas, à périodiquement retrouver et continuer à habiter en solitaire, voilà ton espace à ne jamais troquer définitivement pour un espace verbal, pictural, musical, social. C’est lui, ton “tien“ limité à toi, pourtant presque illimité, espace à préserver. _ Henri Michaux