Brève fut ma vie / face à l’éternité /…/ Mais je repasse sur terre / avec la régularité / des oiseaux migrateurs / déchirée / entre l’endroit de ma couvée / et de mes périples _ Anise Koltz

Depuis ma migration / à travers tant de corps / les siècles s’entassent / sur mes os /…/ Mon ombre se cogne / à chaque paroi /…/ Le monde est virtuel /…/ Le visible / reste invisible /…/ Le courant de vie / qui me traverse / est sans retour /…/ Lorsque je plonge / en moi-même / je vois la terre entière / qui tourne dans mon sang _ Anise Koltz

L’esprit se serre / Le cœur se terre / Le verre mince s’est brisé / Quand on est arrivé on oublie le chemin / Derrière la barrière où s’ouvre la maison / En s’endormant le soir on entre dans le monde où l’on n’est rien / Quelques heures de plus pour ne plus être _ Pierre Reverdy

Les fleurs, les clairs de lune, les haies dans l’aube / Furent dans ma vie féerie qui s’évanouit. /…/ Nous ne pouvons pas tenir notre vie / Sous les chênes et les lieux légendaires. /…/ On est trop faible pour la fête de la terre. _ Armand Robin

Lorsque la terre pleine de paupières mouillées / se fera cendre et âpre air tamisé / et que les mottes de terre sèches et les eaux, / les puits, les métaux / rendront enfin leurs morts usés, / je veux une oreille, un œil, / un cœur blessé qui retentisse, / un trou de poignard depuis longtemps enfoncé / dans un corps depuis longtemps exterminé et seul _ Pablo Neruda

C’est un rêve effrayant et je m’y trouve encore. / — Une chose mouvante et qu’on appelle Terre / coule à pic, lentement, hors du regard de l’être… _ Benjamin Fondane

Touriste des crépuscules / Dans tes parcs / Le filon de foudre / Se perd sous terre / Or nocturne /… / Habitant des espaces nubiles de l’amour / Le vert-de-gris des bêches va fleurir _ René Char

Comme un fil de soie / comme un nuage de laine / le soir descend à perdre haleine / et nous soupirons de plaisir / Un grand cri un oiseau gris / et toutes les cloches de la terre / appellent les brebis / dans les champs et sur l’océan / tous les nuages sont partis _ Philippe Soupault

Peu de chose, rien qui chasse / l’effroi de perdre l’espace / est laissé à l’âme errante /…/ Mais peut-être, plus légère, / incertaine qu’elle dure, / est-elle celle qui chante / avec la voix la plus pure / les distances de la terre _ Philippe Jaccottet

 

Une ombre dans les intempéries de l’œil / Est la moitié de la lumière. La mer sondée / Se brise sur une terre sans angle. / La semence qui fait surgir une forêt dans les reins / Enfourche à demi le fruit et à demi s’égoutte / Dans un vent qui s’endort. _ Dylan Thomas

Et j’ai dit à mon propre espoir : Que me veux-tu ? / Pourquoi me harceler sans cesse ? / Cette terre me plaît aux entrailles douces / ce nuage d’été se pose dans mes yeux / comme un sanglot de joie _ Benjamin Fondane

Ce qui est blessé en nous demande asile aux plus petites choses de la terre et le trouve. _ Christian Bobin

Le soleil est dans la terre / tout le ciel sous une dalle / les soldats veillent / des anges / rôdent autour / la brise / remue l’herbe des tombes / les morts / ont des sourires qui chantent / dans le ramage des grives _ Pericle Patocchi

Seigneur, Seigneur terrible de mon rire ! voici l’envers du songe sur la terre, / Comme la réponse des hautes dunes à l’étagement des mers, voici, voici / La terre à fin d’usage, l’heure nouvelle dans ses langes, et mon cœur visité d’une étrange voyelle. _ Saint-John Perse

Les dieux de la terre et des mers / Par la nature le cherchèrent, / Mais leur quête fut toute en vain : / L’arbre n’est qu’en l’esprit humain. _ William Blake

L’homme fat se réfugie / dans la responsabilité. / Il ne veut pas être bétail du sacrifice, / il veut être le sacrificateur. / Il ne veut pas se construire une arche, / il veut être les nuages du déluge. / Il ne veut pas être / le gibier bleu de la terre / il veut offrir un banquet à la terre. _ Jean Cocteau

Quand la violence eut renouvelé le lit des hommes sur la terre, / Un très vieil arbre, à sec de feuilles, reprit le fil de ses maximes… / Et un autre arbre de haut rang montait déjà des grandes Indes souterraines, / Avec sa feuille magnétique et son chargement de fruits nouveaux. _ Saint-John Perse

Il n’y a pas d’équilibre sans glu. Si lointains que soient les confins auxquels on se porte, on verra que tous les horizons sont indécollables de la terre. / C’est l’émanation sirupeuse de l’œil qui fixe la rectitude de la ligne droite. / Celui qui est sans larmes doit se considérer impropre à la géométrie plane. _ François Jacqmin

Appareil à appâter la réalité empesée, ses stries, / ses strates, ses plis, ses failles ; / le trait prépare ses pistes frêles et simples / (simplifiées), / sème ses rites émiettés parmi la terre trempée _ Georges Perec

Dans ma tête je sens la vitesse de la rotation de la terre, / et tous les pays et tous les vivants tournent en moi, / envie centrifuge, fureur d’escalader le ciel jusqu’aux astres / bats à coups redoublés contre les parois internes de mon crâne. _ Fernando Pessoa

Adam encore nu, ensommeillé, / Timide de puissance perdue, / S’engage sur terre et la Grâce / Ne l’a pas encore quitté. /…/ Il tend ses bras ignorants / Et voilà que le temps s’arrête. _ Armand Robin

On a pris nos empreintes / sur toute la terre, et plus loin. / À quoi servent sanglots et plaintes ? / La route marche et ne finit point. _ Benjamin Fondane

Dans le bocage de mes os, / Dans l’arbre bleu de mes artères, / Mêlez-vous, fleurs, poissons, oiseaux, / Si mal réunis sur la terre. _ Jean Cocteau

Homme / Tu as regardé la plus triste la plus morne de toutes les fleurs de la terre / Et comme aux autres fleurs tu lui as donné un nom / Tu l’as appelée Pensée. / Pensée / C’était comme on dit bien observé / Bien pensé / Et ces sales fleurs qui ne vivent ni ne se fanent jamais / Tu les as appelées immortelles…/ C’était bien fait pour elles… _ Jacques Prévert

Un homme atteint de telle solitude, qu’il aille et qu’il suspende aux sanctuaires le masque et le bâton de commandement ! / Moi je portais l’éponge et le fiel aux blessures d’un vieil arbre chargé des chaînes de la terre. / “ J’avais, j’avais ce goût de vivre loin des hommes, et voici que les Pluies…“ _ Saint-John Perse

La mer s’est retirée. Le temps a fini par pétrifier / les mammifères affamés. / Entre les firmaments et les enfers, la terre / entière respire _ Georges Perec

La réalité fige l’image et l’image la réalité. / Le geste gratte la glaise et l’argile / et fait émerger les sillages tigrés, / les sigles égarés parmi la terre fragile. _ Georges Perec

Je me dis, la Terre est brève / Et l’Angoisse — absolue / La douleur partout, / Et alors ? Emily Dickinson

Je reviens aujourd’hui du plus profond des siècles. / J’apporte dans mon crâne — dans sa cruche d’os —/ toute l’histoire humaine, / les fleuves de la terre dissous dans mon sang / et sur mon corps toutes les traces de l’épée. _ Jorge Carrera Andrade

De véritables dieux, des oiseaux dans la terre /Et dans l’eau, je les ai vus. /…/ Leurs ailes sont les miennes, rien n’existe / Que leur vol qui secoue ma misère, / Leur vol d’étoile et de lumière / Leur vol de terre, leur vol de pierre / Sur les flots de leurs ailes _ Paul Eluard

Je n’avais pas revu la terre / — qui me pressait de voyager ? _ Benjamin Fondane

Poisson traîné sorti de son eau jeté sur le sable à cinquante lieues du bercail marin / sable de rivière sable de poussière sable de misère sable de terre _ Raymond Queneau

Ma femme aux yeux pleins de larmes / Aux yeux de panoplie violette et d’aiguille aimantée / Ma femme aux yeux de savane / Ma femme aux yeux d’eau pour boire en prison / Ma femme aux yeux de bois toujours sous la hache / Aux yeux de niveau d’eau de niveau d’air de terre et de feu _ André Breton

Parfois Dieu déforme l’homme dans son sommeil : / l’œil est immense sur le front comme une coupole transparente, / son corps grandit comme un arbre prodigieux, des ailes battent sur son dos / mais le matin toute la terre semble un lit d’herbes dérangées. _ Jean Cayrol

portrait caché / 35 _ Le fil qui soutient l’univers / Vient de casser / Le fil qui soutenait la terre / a été brûlé / Une étoile filante en passant l’a brûlé _ Pierre Reverdy

Que le poème aille se glissant / Dans la bouche ouverte des mourants ! / Qu’il y ait le cri : “ Que la Terre est belle ! “ / Pas besoin de fleurs / D’ailleurs ! _ Armand Robin

Je frotte mes paupières : / le ciel marche sur la terre _ Octavio Paz

J’achève ma vie, je me couche, / le sol ressemble à une bouche / Dont les lèvres de terre noircie / Sont prêtes à recueillir ma vie. _ Michel Houellebecq

Il se promenait en sifflotant / et les airs qui sortaient de ses dents / égayaient jusqu’aux plantes potagères / qui poussent dans de petits enclos extrêmement dégoûtants / arrosées par les pleurs / les pollutions secrètes de la terre _ Michel Leiris

C’est la Nuit qui secoue les branches / messages du ciel / les oiseaux immobiles crient / les serpents s’enterrent / et les hommes ferment les volets / et les paupières / messages de la terre _ Philippe Soupault