L’esprit se serre / Le cœur se terre / Le verre mince s’est brisé / Quand on est arrivé on oublie le chemin / Derrière la barrière où s’ouvre la maison / En s’endormant le soir on entre dans le monde où l’on n’est rien / Quelques heures de plus pour ne plus être _ Pierre Reverdy

Tous les coquelicots ou les lèvres des femmes reflétés dans le ciel / Il a plu / Les enfants se noient sur le trottoir / Et le flot de la rue / La ville en entonnoir _ Pierre Reverdy

Un coup d’aile brutal passe dans les allées / Le vent plus dur que l’angle me soulève / Une ivresse circule de la nuque au talon déchaussé / Vers le monde nouveau / Au virage dressé sur le même trottoir / La perspective est mince au paysage du soir _ Pierre Reverdy

L’orage est près / Une branche s’incline sur l’œil qui dort / Un poisson mort / L’eau s’étire / Quelqu’un sort / Là-haut on pourrait lire un mot / La chambre est remplie d’air chaud / Ce qui tombe / La pluie / Larmes de tout le monde / Un éclair luit / Le ciel s’entr’ouvre / On rit / C’est la tête fendue d’un homme qui soupire _ Pierre Reverdy

Court-circuit au cœur / Une panne au moteur / Quel aimant me soutient / Mes yeux et mon amour se trompent de chemin _ Pierre Reverdy

Avec l’œil et l’air de la bouche / Avec le bras caché et la main qui te touche / Contre le vent qui emporte ton bonheur / Le froid artificiel que donne la terreur / La foi marchant sur les épines de l’erreur _ Pierre Reverdy

Il n’y a plus d’écriteaux au ciel / que des lambeaux / des oreilles perdues / Et des têtes inquiètes / Des lueurs de regards / Et par la porte ouverte / La perspective du hasard _ Pierre Reverdy

Les feuilles sont tombées / pendant que les oiseaux comptaient / les gouttes d’eau / Les lampes s’éteignaient derrière les rideaux _ Pierre Reverdy

La faim bat sa conquête / Dans le gouffre pointu / L’homme qui perd la tête / Le globe suspendu / L’heure vibre dans les quartiers / Où toutes les vitres résonnent / Les rayons se sont dépliés / Et les roues s’abandonnent _ Pierre Reverdy

portrait caché / 35 _ Le fil qui soutient l’univers / Vient de casser / Le fil qui soutenait la terre / a été brûlé / Une étoile filante en passant l’a brûlé _ Pierre Reverdy

Une voix qui chante sans ailes / Et sous les plis trop lourds du nuage emporté / La voile toute neuve / Le soleil / L’étincelle _ Pierre Reverdy

Dans le sous-sol toutes les glaces s’allument à la fois / La température baisse / Il fait froid / Le ciel est épais / Sous les nuages bas _ Pierre Reverdy

Il n’y a plus rien qui reste / entre mes dix doigts / Une ombre qui s’efface / Au centre / un bruit de pas _ Pierre Reverdy

Ma raison / glisse / Entre les lames sous le pont / Je vois l’autre côté du monde _ Pierre Reverdy

Loin de l’endroit où tant de rêves meurent / La mémoire entasse des heures / Au bord de l’eau / Les arbres pleurent / La montagne roule son dos / En haut une tête se penche / La face que l’on voit est blanche _ Pierre Reverdy

Je ne peux plus rien voir, au fond du ciel, qu’un énorme chien blanc qui mord la lune. Et le chien n’est pas un nuage. S’il n’appartient à personne, il s’en ira. Et nous pourrons revoir le jour. _ Pierre Reverdy

Endormi dans cette chambre / Il n’ose plus se réveiller / La peur ferme son rêve noir / Et ses membres / Ne peuvent plus le soutenir / Je t’abandonne il faut partir _ Pierre Reverdy

 

 

Et les pas sur mon coeur au moment où le tien/ Le regarde d’un oeil sévère _ Pierre Reverdy

Un nom qui se traîne/ Un coeur qui s’en va/ Ce n’est pas la peine/ De s’arrêter là/ Personne dans la marge/ Plus rien sur le trottoir/ Le ciel est plein d’orages/ Ma tête sans espoir _ Pierre Reverdy

Une ombre plus grande que lui-même/ fait le tour de la terre/ Et moi je suis resté assis sans oser regarder _ Pierre Reverdy

Les lumières poussent au ras du sol/ Au bord de l’eau crépitent les étoiles _ Pierre Reverdy

Le gant blanc est fané, la feuille se détache. _ Pierre Reverdy

On dort/ La peur glisse dans le décor/ La nuit pousse un soupir et meurt _ Pierre Reverdy

Les mots sont posés à mes deux oreilles/ Et le moindre cri les fait s’envoler. _ Pierre Reverdy

“Je tremblais/ Au fond de ma chambre le mur était noir/ Et il tremblait aussi / Comment avais-je pu franchir le seuil de cette porte/On pourrait crier/ Personne n’entend/ On pourrait pleurer/ Personne ne comprend“. _ Pierre Reverdy

Le ciel est trop bas/ Pour qu’on puisse rire/ La mer se retire/ Et le jour s’en va/ Les lumières poussent au ras du sol/ Au bord de l’eau crépitent les étoiles _ Pierre Reverdy

Si la lumière s’éteint, tu reste seul devant la nuit. Et ce sont tes yeux ouverts qui t’éclairent. _ Pierre Reverdy

La bordure des mots précis/ Quand les lignes du coeur s’écartent _ Pierre Reverdy

_ On va plus loin que la ligne arrêtée un jour au bord du sol. _ Pierre Reverdy