Les débris de ta vie s’étalent sur la table : / Un paquet de mouchoirs à moitié entamé, / Un peu de désespoir et le double des clés ; / Je me souviens que tu étais très désirable. _ Michel Houellebecq

L’éternité comme thème / de jeu enfantin / mais le bras est plus lourd que l’ombre / et mieux irrigué / dans le désastre _ Jacques Dupin

Gardez-moi longuement ce visage pour songe / Qu’une absence divine est seule à concevoir ! / Sommeil des nymphes, ciel, ne cessez de me voir ! _ Paul Valéry

Tu es là / où est ton œil, tu es / là-haut, tu es / en bas, je trouve / la sortie. /… / Ô ce milieu voyageur vide / hospitalier. Séparés / je t’échois, tu / m’échois, l’un de l’autre / déchus, nous voyons / à travers _ Paul Celan

Je ne veux pas de l’apparence que l’imagination me donne. _ Armand Robin

D’immortelles misères pour violer l’ennui / Installent le repos sur un roc de fatigues / Le corps creux s’est tourné l’horizon s’est noué _ Paul Eluard

portrait caché / 35 _ Le fil qui soutient l’univers / Vient de casser / Le fil qui soutenait la terre / a été brûlé / Une étoile filante en passant l’a brûlé _ Pierre Reverdy

des arabesques pareilles à celles qui dans la dépression de nos paumes / tracent sa route compliquée de tours et de retours / à l’égrènement futur des journées et des nuits _ Michel Leiris

Voici le temps de tension entre le mourir et le naître / Le lieu de solitude où trois rêves se croisent / Entre les rochers bleus _ T.S. Eliot

On peut tout échanger entre êtres sauf l’exister. Dans ce sens, être, c’est s’isoler par l’exister. _ Emmanuel Lévinas

Que le poème aille se glissant / Dans la bouche ouverte des mourants ! / Qu’il y ait le cri : “ Que la Terre est belle ! “ / Pas besoin de fleurs / D’ailleurs ! _ Armand Robin

Le jeu sans fin des trappes et des rideaux / où le rêve se complique / d’anguilles, de mollusques, / et d’idoles aux bras innombrables / dissipe en brouillard les regards / qui s’essaient à vivre _ René Daumal

Je suis celui sur lequel pèse l’essieu de n’importe quel code, / L’homme aux sens surhumains . / J’annonce le Moïse de demain _ Robert Desnos

A quel calme dans le désespoir je suis parvenu sous l’écorce la plus commune, nul ne peut le croire; nul ne s’y retrouve, car je ne lui en fournis pas le décor, ni aucune réplique : je parle seul. _ Francis Ponge

Laves, basaltes, roche / rougie au feu de cœur du monde. / Tuf de source / où pour nous la lumière a grandi , avant / le souffle. _ Paul Celan

Sous la mousse creuse et sous tes pas qui n’en sont pas / Mes rêves seront formels et vains comme le bruit de paupières de l’eau dans l’ombre / Je m’introduirai dans les tiens pour y sonder la profondeur de tes larmes _ André Breton

rencontre / 7 _ berger des pavés qui vont en troupeau dans le sens contraire / à la marche de la foule ciseaux en mouvement constant /coupant la distance en mesures de pas / immobile berger dans la nimbe de poussière aurifère _ Tristan Tzara

Avec une doublure de canari, ils essayaient de me tromper. Mais moi, sans trêve, je disais : “ Corbeau ! Corbeau !“ Ils se sont lassés. _ Henri Michaux

Mes pensées les plus chères sont étrangères au monde, si peu que je les exprime lui paraissent étranges. Mais si je les exprimais tout à fait, elles pourraient lui devenir communes. Hélas ! Le puis-je ? Elles me paraissent étranges à moi-même. J’ai bien dit : les plus chères… _ Francis Ponge

Qu’est-ce donc que le chant ? / Rien qu’une sorte de regard / S’il pouvait habiter encore la maison / à la manière d’un oiseau / qui nicherait même en la cendre / et qui vole à travers les larmes ! _ Philippe Jaccottet

Dieu a les mains vides et le Jardin déjà maudit lui apparaît dans son effervescence de plantes et d’animaux ; Adam se réveille mais il n’est pas encore l’Homme. _ Jean Cayrol

Quel homme de rhubarbe pelé dans ces eaux d’embruns bleus / A semé un jardin volant autour de cette âme marine. _ Dylan Thomas

portrait caché / 34 _ Dans l’immobilité, le silence impalpable, / Je suis là. Je suis seul. Si on me frappe, je bouge. / J’essaie de protéger une chose sanglante et rouge, / Le monde est un chaos précis et implacable. _ Michel Houellebecq

Ta nuit laisse couler de mon œil et ma tempe / Un flot d’encre si lourd qu’elle en fera sortir / Des étoiles de fleurs comme on le voit d’un tir / La plume que j’y trempe. _ Jean Genet

Vol d’oiseau, vol de pierre, mille / voies décrites. Des regards, / cueillis et ravis. La mer / goûtée, entièrement bue et rêvée. Une heure, / assombrie d’âmes. La suivante, lumière automnale, offerte à un sentiment / aveugle, qui allait son chemin. D’autres, beaucoup d’autres, / sans lieu , avec leur propre pesanteur : aperçues, contournées _ Paul Celan

J’ai accepté de devenir visible et risible, / J’ai accepté de paraître parmi les maîtres de la vanité, / Afin de montrer ce que peuvent les miens, / J’ai voulu passer aux miens les armes de l’âme _ Armand Robin

rencontre / 6 _ !

Une voix qui chante sans ailes / Et sous les plis trop lourds du nuage emporté / La voile toute neuve / Le soleil / L’étincelle _ Pierre Reverdy

Il naquit, gras et rond. Souvent, riant aux anges / Il s’amusait tout seul dans son léger berceau. / Il fit comme chacun plus d’un petit ruisseau / Comme à chacun de même on lui changea son lange _ Boris Vian

portrait caché / 33 _ J’ai confectionné avec des déchets de montagnes des hommes qui embaumeront quelque temps les glaciers. _ René Char

Je frotte mes paupières : / le ciel marche sur la terre _ Octavio Paz